• Conséquences de la Première guerre mondiale

    Conséquences de la Première guerre mondiale

    Comparable aux plus grandes crises de l’Histoire, la Grande Guerre de 1914-1918 a produit l’effet d’un cataclysme. Outre les lourdes pertes en vies humaines et une effroyable accumulation de ruines, elle a laissé le monde civilisé, l’Europe surtout, dans un état affreux d’ébranlement et de déséquilibre.

     

     

    I – Appauvrissement et déclin de l’Europe

     

    Pendant plus de 4 ans, la guerre avait mis aux prises non seulement des armées, mais les nations elles-mêmes. La puissance croissante de l’armement avait décuplé sa capacité homicide et destructive. Les pertes en vies humaines ont été évaluées pour la seule Europe à 8 millions et demi d’hommes. La France était particulièrement éprouvée : 1 393 000 morts et, parmi eux, l’élite des jeunes générations ; 740 000 mutilés ; ses provinces du Nord, les plus riches, avaient été affreusement ravagées. Dans la zone de combat, des villages entiers avaient disparu sans laisser de traces ; de grandes villes comme Reims, Arras, Verdun, n’étaient plus que monceaux de ruines. Une partie des régions envahies avait été soumise, lors de la retraite allemande, à des dévastations systématiques : usines vidées de leur outillage ou machines réduites en pièces, mines détruites ou noyées, arbres abattus dans les campagnes…

    La guerre de 1914-1918 avait été surtout une guerre européenne. Aussi est-ce l’Europe qui en souffrit le plus. L’une des conséquences principales fut donc l’appauvrissement de l’Europe. L’influence économique et le crédit de l’Europe diminuèrent principalement au profit des États-Unis – qui pour approvisionner l’Europe en guerre avaient intensifié leur production et étaient devenus les créanciers de l’Europe – mais aussi au profit du Japon et des « pays jeunes » d’outre-mer – Canada, Australie, Brésil, Argentine, Afrique du Sud – dont la guerre avait hâté l’industrialisation.

     

    II – Déséquilibre économique

     

    Au lendemain de la guerre, dès 1921, un Comité économique et financier, créé par la S.D.N, avait essayé de réorganiser la vie économique mondiale et le commerce international. Ses initiatives échouèrent parce que la guerre avait complètement faussé ou détraqué les rouages de la vie économique ; un long effort apparaissait nécessaire pour retrouver l’équilibre perdu.

     

    • Instabilité des changes, inflation et vie chère

    Avant 1914, les unités monétaires étaient dans un rapport fixe avec l’or ; les billets de banque s’échangeaient à vue contre des pièces d’or. Les monnaies étaient stables : 1 mark valait 1,25 franc, 1 dollar 5,22 francs, 1 livre sterling 25,20 francs. Pendant et après la guerre, les billets eurent cours forcé, c’est-à-dire que l’État ne fut plus tenu de les échanger, au gré du porteur, contre des pièces d’or ; les pièces d’or n’eurent plus cours comme monnaie. D’autre part, après la guerre, les gouvernements firent de l’inflation, c’est-à-dire qu’ils mirent en circulation une quantité toujours plus grande de monnaie de papier. Cette monnaie, insuffisamment garantie par les réserves d’or très diminuées de la plupart des banques d’État, reposait sur le crédit de l’État, c’est-à-dire la confiance plus ou moins grande qu’on lui accordait. D’où une dépréciation plus ou moins forte de la plupart des monnaies nationales – le dollar excepté, parce que garanti parce que garanti par les grosses réserves d’or des États-Unis. L’existence de monnaies plus ou moins solides entraîna une grande instabilité des changes, qui créa de grosses difficultés au commerce international, et l’essor de la spéculation – on « joua » sur les cours des changes. Les finances des États belligérants étaient si obérées que plusieurs de ces États – Russie, Allemagne, Autriche – firent faillite. Mais la dépréciation de la monnaie détermina partout un renchérissement de la vie, une diminution du pouvoir d’achat pour les personnes à revenus fixes – les rentiers par exemple – suivie de ses effets habituels : la mévente, le chômage et la misère.

     

    • Protectionnisme, dirigisme, autarcie

    La plupart des États se montrèrent soucieux avant tout de protéger leur propre industrie et de donner du travail à leurs nationaux ; ils renforcèrent donc leurs barrières douanières. A l’intérieur de chaque pays, le gouvernement intervint pour diriger la production et le commerce, et pour régler la valeur de la monnaie. Le renforcement du protectionnisme et l’économie dirigée ont ainsi remplacé le régime de la libre concurrence et de l’autonomie absolue des entreprises privées qui caractérisaient l’économie capitaliste d’avant 1914. La plupart des États pratiquèrent la politique des contingentements, c’est-à-dire qu’ils fixèrent, à leur gré, les contingents d’exportation et d’importation. Certains pays comme la Russie, l’Allemagne, l’Italie, en vinrent à vivre à l’état d’autarcie, c’est-à-dire quasiment sur leurs propres ressources, en dehors du grand courant des échanges commerciaux.

     

    • Surproduction et chômage

    Par une tragique contradiction, ce fut donc dans un monde où presque tous les États limitaient à l’extrême leurs importations, et où les masses appauvries voyaient diminuer leur pouvoir d’achat, que les progrès techniques créèrent un prodigieux accroissement de production. Il en résulta nécessairement des crises de surproduction. La plus grave fut la crise de 1929, qui éclata aux États-Unis, gagna en quelques années le monde entier – sauf la Russie – et prit le caractère d’une catastrophe mondiale. Elle entraîna l’effondrement des prix, de nombreuses faillites, une impressionnante réduction de la production et du commerce international, le chômage complet en Europe et en Amérique de plus de 30 millions de travailleurs, de graves troubles politiques et sociaux, et elle contraignit les gouvernements à prendre des mesures d’exception.

     

    III – Déséquilibre politique

     

    Dans l’ordre politique, la guerre avait eu pour résultat immédiat la chute d’un grand nombre de dynasties parmi lesquelles les plus anciennes et les plus puissantes de l’Europe – les Habsbourg en Autriche, les Hohenzollern en Allemagne, les Romanov en Russie – et l’extension du régime républicain à la plus grande partie de l’Europe. La victoire des Alliés paraissait donc la victoire des principes libéraux et démocratiques.

    Mais le cours de l’évolution politique se trouva bientôt modifié en sens inverse. De même que la guerre avait ouvert la voie à l’autarcie économique, elle ouvrit la voie à la dictature politique. De 1914 à 1918, les gouvernements démocratiques eux-mêmes avaient exercé une véritable dictature : ils avaient interdit l’expression de toute opinion jugée contraire à l’intérêt national ; ils avaient mobilisé les esprits comme les corps au service de la Patrie. L’abdication de l’individu au profit de l’État, la décadence de l’esprit critique subsistèrent même après le retour de la paix et amenèrent le déclin des idées démocratiques – la démocratie réelle suppose, en effet, des citoyens qui pensent et qui décident par eux-mêmes. D’autre part, après la guerre, les difficultés économiques et sociales contribuèrent à jeter le discrédit sur les régimes démocratiques ; il fut aisé de dénoncer la duperie des promesses électorales, la stérilité des luttes parlementaires, l’impuissance à agir vite et fort en temps de crise. Dans certains pays comme la France, qui conservèrent leurs institutions libres, les partis extrêmes – de droite ou de gauche – progressèrent, également prêts à faire bon marché des libertés démocratiques pour établir un régime d’autorité. Ailleurs, les régimes de libéralisme politique s’effondrèrent et firent place, sous l’influence des perturbations économiques et sociales, à des régimes de dictature. Les plus originaux furent le bolchévisme russe, le fascisme italien, le nazisme allemand ; mais on en trouvait d’autres en Pologne, en Yougoslavie, en Turquie, au Portugal, en Espagne, en Chine et dans les républiques sud-américaines.

    Ces divers régimes dictatoriaux furent des dictatures totalitaires. Les États totalitaires, dirigé par un chef tout-puissant appuyé sur une police formidablement développée supprimèrent les droits individuels au profit des intérêts du parti au pouvoir, n’admirent aucune opposition, dirigèrent l’opinion publique, façonnèrent les esprits. Quiconque ne partageait pas les idées du gouvernement risquait sa vie – d’où le lamentable exode des réfugiés politiques, qui venaient chercher asile dans les pays où la liberté subsistait encore : en Europe, la Suisse, la Belgique, la Hollande, les Pays scandinaves, la France, l’Angleterre.

     

    IV – Déséquilibre social

     

    La structure même de la société a subi en Europe de profondes modifications, surtout en Russie où la révolution élimina complètement l’aristocratie terrienne et la bourgeoisie, et dans quelques états d’Europe centrale où des révolutions agraires firent passer une grande partie des terres aux mains des paysans. Dans l’Europe occidentale, l’aristocratie d’argent, renforcée des nouveaux riches – les profiteurs de guerre – resta la classe dominante, mais beaucoup de traditions bourgeoises tombèrent en décadence. D’une façon générale, l’importance relative des classes moyennes diminua.

    La plupart des gouvernements admirent que l’ouvrier a droit à un niveau de vie minimum. Dans le même sens, le pape Pie XI développa le programme social qu’avait tracé son prédécesseur Léon XIII. Les travailleurs  obtinrent presque partout la journée de 8 heures, puis même dans certains pays, comme la France, la semaine de 40 heures ; une abondante législation sociale tenta d’améliorer la condition des classes ouvrières. Ce n’est pas dire que celles-ci ne connurent plus les mauvais jours. Jamais, au contraire, il n’y eut autant de chômeurs – 30 millions en 1932 au paroxysme de la crise économique, 15 millions encore en 1936. Les conflits entre patrons et ouvriers furent nombreux.

    La guerre ayant décimé la population masculine, les femmes prirent une importance croissante dans la société européenne : elles conquirent l’accès à presque tous les métiers et professions, l’égalité politique dans la plupart des États – en France pas avant 1946. L’émancipation de la femme est un des traits caractéristiques de l’époque contemporaine.


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