• La folie égare-t-elle les hommes ?

    Sujet posé d'après l’œuvre d’Érasme, "L’Éloge de la folie"

     

    La folie égare-t-elle les hommes ?

    Oui : la folie est un vice dont l’homme doit apprendre à se détourner pour connaître la vérité et la sagesse.

    Non : la folie fait partie intégrante de la nature humaine. Ce n’est qu’en la reconnaissant que l’homme peut parvenir au bonheur et devenir sage.

     

     

    1ère partie : La folie est une passion et, comme telle, elle égare les hommes. Elle est responsable de l’ensemble des péchés humains. L’homme ne peut espérer atteindre la sagesse s’il ne renonce pas à sa propre folie.

     

    La folie est un vice.

    Elle conduit les faiblesses humaines, les guide, les entraîne à sa suite. Son père est Plutus, géniteur unique des hommes et des dieux, qui règne sur toutes les affaires publiques et privées des mortels : la guerre comme la paix, l’amour, le plaisir, le travail… Sa mère est la Jeunesse, symbole de gaieté et d’amour. La folie a pour compagnes l’ensemble des vices humains : l’amour-propre, la flatterie, l’oubli, la paresse, la volupté, l’étourderie et la mollesse, ainsi que la bonne chair et le profond sommeil.

    La folie règne sur l’homme.

    Tous les hommes sont fous et Érasme ne se gêne pas pour accorder dans sa « Ronde des fous » une large place à ceux que l’on dit, ou qui se croient les plus sages, car ils sont des hommes de savoir. Grammairiens, poètes et écrivains, jurisconsultes, philosophes et théologiens : chacun génère sa propre folie dans l’attachement qu’il se porte à lui-même.

    La sagesse n’a rien de commun avec la folie.

    Le savoir et la sagesse n’ont donc rien en commun avec la folie, puisque celle-ci a affaire avec tout ce qu’il y a de léger et de superficiel dans le monde. L’homme doit pouvoir se détacher des illusions qu’elle génère, s’élever au-dessus de sa propre condition humaine, s’il veut atteindre aux vérités de ce monde. La folie égare les hommes, car elle est responsable de leurs agitations perpétuelles, du pauvre spectacle qu’ils donnent à voir à celui qui a su la dépasser.

     

    2ème partie : l’homme est inévitablement fou : l’accepter, c’est atteindre le bonheur et la sagesse. Il est vain de vouloir échapper à sa propre folie. Ce serait de plus se refuser à vivre, car seule la folie est source de plaisirs et de joies.

     

    La folie c’est la vie.

    Ce à quoi l’homme aspire naturellement, c’est aux privilèges que fait naître la folie : celle-ci est en effet source de toutes les joies et de tous les plaisirs. Être fou, c’est rester toujours jeune et heureux. Car si la folie est responsable de tout ce qu’il y a de mauvais en l’homme, elle l’est aussi indirectement de tout le bien qui peut lui arriver : c’est en effet l’avarice qui fait s’accroître les richesses, c’est l’ambition qui anime les sages politiques.

    La folie laisse entrevoir la vérité humaine.

    La folie n’égare pas tant les hommes qu’elle ne leur présente un miroir où se reflètent leurs faiblesses et leurs vices. Prendre conscience de sa propre folie, c’est prendre conscience de soi-même. Les vérités que laisse entrevoir la folie sont donc des vérités entièrement morales : non pas celles du monde, mais celles de l’homme lui-même pour peu qu’il sache les apercevoir et accepte de contempler son propre spectacle.

    Le fou est celui qui se croit sage.

    Certes la folie n’est pas la raison : elle finit toujours par s’effacer devant ce qui est essentiel au regard du sage, c’est-à-dire devant la justice, la vérité… Seule la reconnaissance de la folie du monde et de la sienne propre peut permettre à terme de s’en détacher. Accepter la folie dans la pleine conscience de sa fatuité, c’est ouvrir le plus sûrement les voies de la sagesse. Car, dans l’accueil même qu’elle lui fait, la raison investit la folie, la situe clairement pour mieux s’en distinguer.

     

    Conclusion

    Si Érasme et son "Éloge de la folie" ont si profondément marqué leur siècle – la Renaissance – c’est qu’ils sont un peu le symbole de l’esprit nouveau qui soufflait alors en Europe. Certes, Érasme offre une critique non déguisée des hommes et de leurs faiblesses, mais son propos reste empreint d’une philosophe tout humaniste. Il ne cherche pas en effet à fustiger les hommes, mais bien plutôt à les amuser en leur montrant leurs travers par le biais d’une farce satirique et comique. Ainsi, il peut instruire et conseiller avec malice et facétie, beaucoup mieux que ne le ferait un long discours grave et pompeux. D’ailleurs, Érasme peut toujours rétorquer aux critiques (et celles-ci furent nombreuses) que c’est la folie et non lui qui parle ici, et que ceux qui se sentent blessés par ses critiques sont ceux qui se sentent coupables des vérités qui s’y disent. C’est un message de sagesse qu’Érasme et la folie nous délivrent ici, où se profile, derrière la satire, une conscience ironique de soi et du monde.


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