• La révolution économique : transformation des conditions de vie

     

    La révolution économique : transformation des conditions de vie

    Les progrès rapides du machinisme, le perfectionnement des techniques, le développement des transports, ont eu pour conséquence directe la transformation de la vie économique, des conditions de production et d’échange, de la manière de vivre, de l’aspect matériel du monde civilisé.

     

     

    I – La révolution économique

     

    • Accroissement et spécialisation de la production

    La grande industrie, on l’a vu, a augmenté progressivement sa production ; pour ne rappeler qu’un exemple, la production de la fonte et de l’acier a triplé dans le monde entre 1880 et 1914. Mais la spécialisation de leur outillage obligeant les usines à spécialiser leur production, c’est-à-dire à fabriquer seulement quelques types de produits, certaines fabrications massives ont abouti parfois à la surproduction, c’est-à-dire à une production qui excède la demande commerciale.

    La production agricole a suivi la même progression que la production industrielle. Son accroissement s’est fait de 2 manières différentes : soit par une culture intensive, en obtenant par des procédés meilleurs des rendements plus forts, dans les pays comme la France, l’Angleterre, l’Allemagne, où toute la superficie cultivable était exploitée ; soit par une culture extensive, en étendant sans cesse la superficie des terres cultivées aux dépens des immenses espaces en friche, dans les pays neufs comme les États-Unis, le Canada, l’Argentine. En 40 ans, la production de blé dans le monde a doublé : 50 millions de tonnes en 1870, plus de 100 millions en 1910 ; la production du sucre a quintuplé : 22 millions de quintaux en 1860, 108 en 1900. La production mondiale de coton a triplé de 1870 à 1900. Dans le même temps, la production agricole tendit à se spécialiser, c’est-à-dire que chaque région tendit à se consacrer spécialement aux cultures qui conviennent le mieux à son climat et à son sol, qu’elle peut produire par conséquent en plus grandes quantités et au meilleur compte. Ainsi, au Brésil, l’État de Saint-Paul s’est spécialisé dans la production du café ; aux États-Unis, le Minnesota dans la production du blé ; en France, le Languedoc dans la culture de la vigne, etc. La monoculture a déterminé dans certains cas des crises de surproduction.

     

    • Concentration des entreprises

    Les machines coûtant cher, l’installation et le fonctionnement d’une grande entreprise industrielle exigeant une énorme mise de fonds, la fortune d’un seul patron pouvait rarement y suffire. Les sociétés par actions se multiplièrent, et la forme d’entreprise sociétaire s’imposa quand il fallut trouver la masse des capitaux nécessaires aux grands travaux, à la construction des chemins de fer, à l’établissement des lignes de navigation. Les puissantes entreprises capitalistes ont absorbé beaucoup de petites et moyennes entreprises – en France, à la fin du 19ème siècle, à peine la moitié des entreprises occupaient moins de 50 ouvriers. La distance est devenue de plus en plus grande entre le haut patronat qui possède les capitaux et la foule des ouvriers salariés : de là un antagonisme et des conflits qui ont parfois troublé la paix sociale.

    Dans les pays les plus industrialisés, la concentration capitaliste se poursuivit par la formation, entre les chefs d’industrie, de véritables coalitions, assez puissantes pour réglementer les conditions de production, de vente et d’achat, voire même annihiler toute concurrence et exercer un monopole de fait : tels les trusts aux États-Unis, les cartels en Allemagne. Ces coalitions ont abouti à la concentration horizontale – groupement d’entreprises similaires, d’aciéries par exemple – combinée parfois avec la concentration verticale ou intégration – groupement d’entreprises différenciées se complétant aux divers stades de fabrication, par exemple le groupement de mines, de hauts fourneaux, de fours, de laminoirs, tréfileries, manufactures de produits finis.

    Il y a eu aussi concentration géographique : la facilité croissante des transports a permis aux usines de s’éloigner des centres de consommation, de se grouper de préférence là où elles peuvent trouver à meilleur compte la force motrice et les matières premières : autour des mines, des ports maritimes ou fluviaux. Les bassins houillers principalement sont devenus des régions d’activité industrielle intense. On a vu en peu de temps se développer d’énormes agglomérations industrielles comme la région Lille-Roubaix-Tourcoing dans le Nord de la France, la région de la Ruhr en Allemagne…

    L’agriculture a échappé davantage au mouvement de concentration des entreprises : les petites et moyennes exploitations agricoles n’ont pas été absorbées par les grandes. La concentration nécessaire des capitaux s’est produite pourtant sous la forme de l’association : partout où la propriété est morcelée, les agriculteurs ont été amenés à se grouper en syndicats, mutualités, coopératives d’achat, de production et de vente.

     

    • Extension des échanges

    Le développement des transports à grande distance et l’accroissement de la production ont eu pour conséquence le progrès rapide du grand commerce ou commerce international : non seulement les échanges se sont multipliés entre tous les pays, même les plus éloignés, mais ils ont porté sur une quantité croissante de produits, matières premières nécessaires à l’industrie, produits manufacturés, produits alimentaires de toutes sortes, y compris (depuis l’invention du froid artificiel) ce qu’on appelle les denrées périssables. Il s’est fondé aux États-Unis d’abord, puis dans tous les pays, des Bourses de commerce qui centralisent les offres de vente et les demandes d’achat, établissent les cours (c’est-à-dire les prix variables) des principales marchandises. Quelques chiffres permettent de se rendre compte de la progression et de l’ampleur du trafic international : le commerce extérieur de la France qui, en 1847, dépassait de peu 1 milliard et demi de francs, atteignait 10 milliards en 1880, 15 milliards en 1913 ; de 1870 à 1913, le commerce extérieur de l’Angleterre est passé de 13 à 35 milliards, celui de l’Allemagne de 5 à 25 milliards. En moins de 10 ans, de 1898 à 1907, le total des échanges internationaux est passé de 98 à 148 milliards de francs.

     

    • Importance du crédit ; développement des banques

    Le développement du commerce dans le monde entier a été facilité et stimulé par l’abondance croissante de la monnaie en circulation. Il y a eu un énorme accroissement de la monnaie d’or à la suite de l’exploitation de nouvelles mines d’or en Californie (1848), en Australie (1851), au Transvaal (1884), au Klondike (1897) ; la quantité d’or monnayé en circulation dans le monde était évaluée en 1875 à 7 milliards de francs, en 1908 à plus de 33 milliards. D’autre part, on a multiplié les émissions de billets de banque ; la monnaie de papier est devenue d’usage courant, jusqu’à atteindre en France, vers 1910, 85 % de la masse monétaire en circulation.

    Les banques, de plus en plus nombreuses, se sont appliquées à accroître et à faciliter la circulation et le commerce des capitaux qui est leur raison d’être. Le crédit est devenu le ressort principal de l’organisation économique ; il a mobilisé d’énormes capitaux au service de l’industrie et du commerce, surtout du jour où les entreprises ont pris la forme de sociétés par actions. Une part des capitaux disponibles est allée aussi aux emprunts d’État.

    Le commerce des capitaux a pris, comme le commerce des autres denrées, un caractère international : les nations les plus riches du monde avant 1914 – surtout l’Angleterre et la France – ont « placé » des capitaux dans le monde entier. Les Bourses de valeurs, marchés des « valeurs mobilières » (titres de rente émis en contrepartie des emprunts d’État, actions des sociétés) ont multiplié leurs transactions. Les grands marchés financiers, Londres, New-York, Paris, Amsterdam, Berlin, Francfort sont devenus des centres de spéculation, où l’on « joue » à la hausse ou à la baisse des cours côtés en Bourse.

     

    II – Exode des populations rurales vers les villes

     

    La décadence des petites industries rurales, le chômage d’un nombre croissant de travailleurs des champs dû au progrès de la mécanisation agricole, ont accéléré, dans la plupart des pays de grande industrie, l’exode des populations campagnardes vers les centres industriels en quête de main-d’œuvre. En Angleterre, le pourcentage de la population rurale est tombé de 35 à 20 %, de 1870 à 1914 ; en France, de 70 à 50 % pendant la même période. Une population de plus en plus nombreuse d’ouvriers et d’employés salariés est venue s’entasser dans les grandes villes industrielles, hérissées de cheminées d’usines – comme Le Creusot en France, Essen en Allemagne.

     

    III – La nouvelle civilisation urbaine

     

    Le déplacement des populations des campagnes vers les villes a été stimulé non seulement par les offres de travail et l’appât de salaires plus élevés dans l’industrie, mais aussi par l’attrait qu’exerçaient les villes, grâce aux nombreuses distractions, aux conditions de vie apparemment plus faciles qu’elles semblaient offrir. La vie urbaine a été en effet transformée, bien avant la vie campagnarde, par toutes sortes d’applications techniques : extension de l’éclairage au gaz, débuts de l’éclairage électrique (la lampe à incandescence a été mise au point en 1880 par l’Américain Edison) qui facilitaient la vie nocturne ; invention du cinématographe (1895) par les frères Lumière, chimistes et industriels lyonnais, qui fit du cinéma, alors muet, le spectacle préféré des masses citadines ; extension, dans les grandes agglomérations urbaines, des transports en commun : omnibus et tramway à chevaux, tramways à vapeur puis électriques, omnibus automobiles, chemins de fer métropolitains – les premières lignes de métro ont été ouvertes à Londres en 1863, à New York en 1878, à Berlin en 1882, à Paris en 1900.

    Les conditions matérielles de la vie ont changé dans toutes les classes de la société. L’énorme accroissement de la production a entraîné un accroissement non moins énorme de la consommation. Un certain nombre d’objets qui étaient auparavant un luxe, comme les livres, les journaux, les montres, les vêtements de drap, les aliments comme le café, le chocolat et le sucre, dont la consommation n’était autrefois permise qu’à une minorité riche, ont été mis à la portée du grand public.

    Cependant la condition des ouvriers dans la grande industrie restait précaire, en raison des crises fréquentes et des périodes de chômage ; le travail à l’usine était plus dur, plus astreignant que celui de l’artisan dans les petits ateliers. De là l’importance prise par la lutte des classes, la gravité croissante de la question sociale.


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