• Le relief des massifs anciens

    Le relief des massifs anciens

     

     

    I – Caractères généraux des massifs anciens

     

    L’Europe occidentale et centrale est riche de montagnes moyennes qui contrastent vivement par leur altitude et par leurs formes, avec les chaînes de plissements.

    Les montagnes allemandes, massives et boisées, ne dépassent jamais 1500 m, sauf dans l’extrême sud. En Grande-Bretagne, les hautes collines et les landes monotones se tiennent, dans leur grande majorité, à moins de 1000 m. Les reliefs modestes du Massif Central, des Vosges, de l’Ardenne, les plateaux surbaissés de Bretagne et de Vendée occupent, en France, une place trois fois supérieure à celle des Alpes et des Pyrénées.

    Mais le contraste avec les chaînes de plissements tient surtout aux formes de relief. Dans les chaînes de plissements, les points culminants sont des crêtes.

    En Ardenne, les lointains se confondent en une immensité horizontale. La forêt s’étend à perte de vue, coupée çà et là par des tourbières qui occupent les bas-fonds. Sous le couvert des arbres, il est possible de parcourir des kilomètres sans rencontrer la poindre dénivellation d’importance. La topographie est douce, peu ondulée ; puis, brusquement, le promeneur se trouve devant la profonde entaille de la Meuse, grande vallée aux versants raides aux pieds desquels scintille le fleuve. Dans le Limousin, dans les Cévennes, dans le Morvan, même dualité : les vastes horizons calmes et les vallées profondes. Le plateau et la gorge, voilà l’association-type, le thème autour duquel s’organise d’abord la topographie de nos montagnes.

    Dans les Cévennes, au sud de Villefort, le Mont Lozère se termine brutalement à l’est par un vaste escarpement rectiligne. Rectilignes également les deux versants du fossé d’Ambert, en Auvergne ; rectiligne le talus qui domine Villefranche de Rouergue et qu’escalade la route de Rodez. Le versant alsacien des Vosges, très escarpé, s’ordonne lui aussi en une série de talus linéaires.

    Rien n’est plus instructif qu’un survol du Massif Central. Les plateaux sont bien le trait dominant du paysage, mais tous ne sont pas à la même altitude. C’est un jeu de blocs déboîtés les uns par rapport aux autres et séparés par des talus, en réseau géométrique. Plateaux, gorges sinueuses, mais aussi escarpements rigides, composent le paysage.

    De loin en loin, et spécialement dans les districts tourmentés, s’élève parfois tout un système de buttes coniques, de dépressions circulaires, de pitons, de plateaux étroits, où il est facile de reconnaître des édifices volcaniques.

    Selon les massifs, ces quatre éléments topographiques s’organisent en combinaisons diverses. Il arrive que le volcanisme soit absent. Au contraire, les trois premiers termes : plateaux, vallées et escarpements rectilignes, sont toujours présents. Ils constituent la marque propre de ces régions qu’il est d’usage d’appeler montagnes vieilles ou massifs anciens.

     

    II – La genèse des massifs anciens

     

    Comment faut-il entendre l’expression « massif ancien » ? Cela signifie d’abord que les roches qui composent ces régions sont vieilles : ce sont parfois des couches sédimentaires datant de l’ère primaire et souvent très altérées par le métamorphisme ; les schistes et les schistes cristallins sont fréquents. Des intrusions granitiques plus ou moins étendues s’intercalent au milieu de cet ensemble.

    D’autre part, la disposition de ces roches est très compliquée : les plissements les plus complexes et les plus serrés peuvent s’y observer. En effet, les massifs ont été plissés à une époque ancienne. A la fin de l’ère primaire, le Massif Central était une chaîne comparable à ce que sont aujourd’hui les Alpes.

    Les massifs anciens représentent donc ce qui reste de vieilles chaînes de plissements. Or il ne reste que la racine des plis car les chaînes les plus hautes finissent toujours par être rabotées par l’érosion. Si les Alpes doivent à leur jeunesse de ne pas l’être encore, les massifs anciens, plissés à l’ère primaire, ont eu le temps d’être réduits par l’érosion à l’état de pénéplaines. Nous pouvons donc affirmer : les plateaux des massifs anciens sont des pénéplaines.

    Le relief de l’Ardenne est caractéristique. Sa topographie très calme recoupe une structure de schistes, de grès et de calcaires, tous d’âge primaire, tous fortement plissés. Rien, dans le relief, ne laissant soupçonner cet étrange bouleversement de la structure, nous sommes assurément en présence d’une pénéplaine. L’étude des plats de Lozère, des plateaux du Limousin, du Pays de Galles, des massifs anciens en général, conduit à des conclusions analogues ; dans tous ces cas, les plateaux sont des pénéplaines.

    Or une objection très grave surgit aussitôt : une pénéplaine qui vient de s’achever se trouve à une altitude voisine de celle du niveau de base. Pourquoi voyons-nous celle de l’Ardenne s’étaler à 400 m, pourquoi celle du Limousin culmine-t-elle à 980 m ; pourquoi les plats de Lozère dépassent-ils 1700 m ? Pour répondre à ces questions et comprendre en même temps le relief des massifs anciens, il est nécessaire d’étudier 3 phénomènes.

     

    • La fossilisation des pénéplaines

    Essayons d’imaginer le paysage de notre pays au début de l’ère secondaire. A cette époque, l’érosion achevait de niveler une chaîne de montagnes surgie à la fin du Primaire et qui, pour les géologues, porte le nom de chaîne hercynienne. A une altitude proche de celle du niveau de base, là où s’étaient dressés pics et crêtes, s’étendait au début du Secondaire une immense surface d’érosion que l’on nomme la pénéplaine « post-hercynienne ».

    Or les mers de l’ère secondaire la recouvrent peu à peu en y étalant des sédiments. Non seulement la pénéplaine est submergée, mais elle est aussi  enterrée sous un empilement de couches. Tant que dure le Secondaire, tout espoir semble perdu de la revoir jamais dans sa totalité. Pourtant, la pénéplaine n’a pas disparu pour toujours. En la recouvrant, les couches sédimentaires la protègent et la conservent. Elle n’est pas détruite, elle est fossilisée.

     

    • L’exhumation des pénéplaines

    L’ère tertiaire est une période d’agitation de l’écorce terrestre. A l’emplacement des massifs anciens actuels (Vosges, Ardenne, Massif Central…) s’opèrent alors de vastes soulèvements que l’érosion s’emploie aussitôt à réduire.

    Or, les couches sédimentaires qui ont fossilisé la pénéplaine sont attaquées les premières et n’opposent guère de résistance. Leur disparition des régions les plus soulevées remet donc au grand jour la vieille surface d’érosion qui revient sur scène après une longue éclipse. Selon que le soulèvement a été plus ou moins fort, nous trouvons cette pénéplaine à plus ou moins haute altitude, constituant les plateaux des massifs anciens.

    N’est-il pas étrange de songer, en parcourant ces hautes surfaces monotones, que nous foulons une forme de relief d’une antiquité extraordinaire ? Conservée tout le Secondaire à l’abri de son manteau de sédiments, puis débarrassée de celui-ci à la faveur d’un soulèvement récent, on dit que la pénéplaine post-hercynienne est exhumée.

     

    • Pénéplaines gauchies et fracturées

    La pénéplaine post-hercynienne a été portée en altitude et exhumée ; mais lorsqu’elle reparaît sous nos yeux, elle est passablement abîmée : nous la trouvons gauchie et morcelée par des failles en une multitude de fragments. Les soulèvements tertiaires qui ont ressuscité l’ancienne chaîne hercynienne ont pris la forme de bombements accompagnés de fractures.

    C’est pourquoi les plateaux sont accidentés d’escarpements rectilignes ; c’est pourquoi nous ne trouvons pas ces plateaux à l’altitude du niveau de base, mais à 400, 980, 1700 m…

    Certains massifs anciens sont des horsts ou des blocs basculés. C’est le cas du Harz en Allemagne du Nord ; c’est celui de la Forêt Noire et des Vosges. D’autres, de plus grande taille, sont de vastes ensembles de plateaux déboîtés les uns par rapport aux autres. Nous avons vu le Massif Central s’ordonner en une multitude de plateaux à des altitudes diverses ; les gradins rectilignes qui séparent ces plateaux les uns des autres sont des escarpements de faille. De vastes golfes de plaine s’enfoncent jusqu’au cœur même de la montagne ; ce sont des fossés d’effondrement : Limagne, plaines de Roanne et du Forez.

    Pourquoi des fractures et non des plissements ? Parce que les roches des massifs anciens sont à la fois résistantes et rigides. Nous savons qu’elles sont truffées d’intrusions granitiques, qu’elles sont en partie métamorphiques, qu’elles furent plissées à l’âge primaire et, par là, fortement comprimées ; elles méritent le nom de roches consolidées.

    Les massifs anciens font partie de ce que les géologues appellent les socles et la plasticité nécessaire aux plissements fait totalement défaut depuis la fin du Primaire.

    Ainsi, les massifs anciens résultent d’une véritable résurrection d’anciennes montagnes primaires, mais sous une forme entièrement nouvelle. Les roches sont anciennes, les plissements sont anciens, le relief actuel est récent. Or un relief récent est vigoureusement attaqué par l’érosion fluviale…

     

    III – Le modelé des massifs anciens par l’érosion fluviale

     

    • Les plateaux sont entaillés par les vallées

    Les vallées des massifs anciens sont des gorges longues et continues, aux versants escarpés. Les rochers des Dames de Meuse se dressent au-dessus du cours ardennais de ce fleuve. Les gorges de la Dordogne se suivent sur près de 100 km ; celles de la Truyère, que franchit le viaduc de Garabit, gravent profondément le plateau.

    Nous connaissons maintenant les raisons de cette étroitesse des vallées. D’abord elles s’enfoncent dans un matériel résistant ; ensuite ce sont des vallées jeunes, puisque le soulèvement des massifs est récent.

    En amont, s’étendent des vallons à fond plat dont les pentes se confondent avec celles de la pénéplaine des plateaux. Puis, brusquement, le profil longitudinal s’accidente, les versants se redressent, les eaux claires coulent impétueusement de rapide en rapide et la gorge se dessine pour se prolonger sur de grandes distances. Les cours d’eau des massifs anciens rongent progressivement les plateaux jusqu’à leur disparition complète.

     

    • Les escarpements de faille reculent

    Les plateaux ne sont pas seuls à affronter l’attaque de l’érosion. Les escarpements de faille sont plus exposés encore à cause de leurs fortes pentes originelles. Les vallées s’organisent, découpent l’escarpement et le font reculer. La raideur de la pente donnant à l’érosion fluviale une puissance considérable, la ligne de partage des eaux bat précipitamment en retraite et les rivières du plateau risquent fort la capture.

    Vallées profondes et crêtes de recoupement, voilà qui donne à ce secteur d’un massif ancien un cachet inhabituel de haute montagne. Tel est l’aspect que présente le versant alsacien des Vosges avec ses gorges, ses fortes déclivités, ses escarpements rocheux et ses crêtes.


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