• Le vocabulaire médical

     

    Quand un médecin évoque le bol alimentaire d’un malade, il ne parle pas de son bol de céréales, mais du contenu de son estomac, et quand un chirurgien se propose de décortiquer un organe, il ne veut pas le charcuter, mais intervenir à la périphérie de celui-ci. Comme disait Ray Ventura, « ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine… » Pourtant, on peut s’y perdre et trouver compliqué le langage médical… Autant de bonnes raisons de disséquer au scalpel ce vocabulaire.

     

                    I – Appeler le docteur

     

    Un médecin est un docteur en médecine quand il a obtenu son doctorat (au XIXe siècle on appelait officier de santé celui qui n’avait pas le titre de docteur). Les plus familiers diront toubib, un mot d’origine arabe qui s’appliqua d’abord aux médecins militaires avant de se généraliser. Mais on réservera la qualification de thérapeutes aux médecins qui s’occupent des troubles psychologiques.

    Le psychiatre, spécialiste des maladies mentales et des troubles pathologiques, utilisateur éventuel de la psychothérapie, est un thérapeute. Mais un psychothérapeute n’est pas nécessairement un médecin et un psychologue n’est qu’un auxiliaire médical. C’est le suffixe –iatre, issu du grec iatros (médecin), qui fait ici la différence, tandis que le radical précise la spécialisation : un pédiatre soigne les maladies infantiles, un gériatre celles de la vieillesse.

    Le suffixe –logue / logie, du grec logos (discours) lui fait concurrence et se retrouve dans la plupart des autres spécialisations : la cardiologie soigne les maladies cardiaques (du grec kardia, cœur), la gynécologie celles de l’appareil génital féminin et des seins (du grec gunê, femme) ; la stomatologie traite les maladies de la bouche et des dents et l’urologie celles de l’appareil urinaire. Quant au proctologue (du grec prôktos, anus), il s’occupe, entre autres, des hémorroïdes.

    Chaque fois, l’étymologie nous renseigne. Le chirurgien est ainsi littéralement celui qui opère avec ses mains et l’anesthésiste, celui qui supprime, le temps d’une intervention, notre sensibilité à la douleur.

    On peut aussi avoir affaire dans un hôpital à un interne, futur spécialiste qui a réussi le concours de l’internat, assisté par un externe, étudiant en médecine. Réputés pour leurs plaisanteries de salle de garde, on les appelle carabins, un mot qui n’a pas de féminin. On ne dit donc pas d’une étudiante en médecine qu’elle est une carabine…

    Au bloc : si nous savons tous que les chirurgiens se servent de scalpels et de bistouris pour pratiquer des incisions et d’agrafes pour refermer des plaies, nous pourrions être surpris de les voir utiliser des aspirateurs pour aspirer certains liquides, des cuillers pour cureter et même des bougies en guise de sondes rappelant la forme des bougies…

     

                    II – Consulter

     

    On connaît la chanson de Gaston Ouvrard qui s’intitule Je n’suis pas bien portant (1932) et qui pourrait justifier un bilan de santé, également appelé check-up, de l’anglais to check, vérifier point par point. Pour établir un diagnostic (du grec diagnôstikon, ce que l’on distingue), le médecin interroge en effet les symptômes, les signes caractéristiques d’une maladie. L’association de plusieurs symptômes peut définir un ensemble reconnaissable que l’on nomme syndrome.

    L’un des plus étranges est peut-être le syndrome de Münchhausen, du nom d’un officier allemand du XVIIIe siècle, particulièrement vantard, qui apparaît chez des malades simulant de graves affections dans l’espoir d’être opérés et de se réveiller avec de nouvelles cicatrices.

    Pour ausculter un patient (du latin auscultare qui signifie écouter), le médecin utilise un stéthoscope. Du grec stêthos, poitrine, et skopein, examiner, cet instrument aurait pu s’appeler stétophone puisque le suffixe –scope est réservé en principe aux examens qui se servent de la vue… Le scanner (de l’anglais to scan, balayer, appareil de radiologie associé à un ordinateur), qui permet d’explorer le corps entier, est plus justement nommé. L’I.R.M (Imagerie en Résonance Magnétique) est plus précis encore. Pas de surprise non plus avec une biopsie, du grec bios (vie) et opsis (vue), qui consiste à prélever un morceau de tissu que l’on va examiner au microscope pour savoir si une tumeur est maligne ou pas. En revanche, rien ne laisse deviner que le doppler (du nom d’un physicien autrichien du XIXe siècle) mesure la circulation sanguine dans un vaisseau au moyen d’une sonde à ultrasons.  

     

                    III – Mettre des mots sur nos maux

     

    L’étymologie permet d’identifier la plupart des maladies. Une rhinite, du grec rhis, rhinos (nez), c’est un rhume, la traduction du mot grec coryza. L’angine, du latin angina (serrer, étrangler), serre effectivement la gorge, tout comme l’angoisse, du latin augustia (étroitesse). La turista est un hispanisme désignant la diarrhée qui affaiblit le touriste à son arrivée dans un pays tropical et l’asthme vient du grec asthma, essoufflement. La boulimie désigne un besoin pathologique de manger en grosses quantités (on est littéralement capable de manger un bœuf, bous en grec), alors que l’anorexie est un manque d’appétit qui a des proportions pathologiques. On reconnaît dans le zona, maladie qui se manifeste par une éruption de vésicules ceinturant le tronc, le mot grec zônê, qui signifie ceinture, et dans l’eczéma, éruption cutanée, le mot grec qui désigne une ébullition. Le nom de ces maladies nous donnent des informations précises sur ce qu’elles sont, mais on a parfois des surprises : ainsi, on appelle saturnisme une intoxication au plomb parce que Saturne était associé au plomb par les alchimistes.

    Certaines maladies portent le nom de ceux qui les ont décrites. La maladie de Parkinson rend hommage à James Parkinson, un neurologue britannique, et l’œdème de Quincke, à un médecin allemand. Enfin, c’est à Emile Coué, un pharmacien français, que l’on doit la fameuse méthode Coué qui consiste à se soigner soi-même par autosuggestion, en se répétant que tout va bien pour s’en convaincre.

    D’autres affections sont désignées par des sigles. C’est le cas du S.I.D.A : Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise résultant d’une infection par le V.I.H, Virus de l’Immunodéficience humaine qui s’attaque aux défenses de l’organisme et qui se transmet par le sang et le sperme. Ces sigles sont aussi utilisés pour les vaccins. Le B.C.G par exemple, désigne le vaccin bilié de Calmette et Guérin, grâce auquel on protège de la tuberculose en transformant le bacille de Koch (agent de la tuberculose) comme l’ont fait les biologistes français Albert Calmette et Camille Guérin.

    Mais les mots sont quelquefois trompeurs. Nos comédons viennent du latin comedere, manger, parce que l’on pensait que c’était un petit vers qui nous grignotait… alors qu’il s’agit d’un amas de matière sébacée dans un pore formant un point noir. On croyait que la cataracte, du grec kataraktès, chute d’eau, résultait d’une humeur nous tombant dans les yeux. L’hystérie, enfin, vient du grec hustera, utérus, parce qu’on en faisait une maladie spécifiquement féminine. Il nous arrive encore d’appeler bouton de fièvre un herpès buccal

    Il y a des malentendus qui perdurent. Avoir mal au cœur, c’est avoir des nausées et prendre son cœur pour son estomac. Le rhume étant une infection virale du nez, avoir un rhume de cerveau est chose bien difficile, à moins de vouloir traduire les maux de tête qui l’accompagnent souvent. Les taches de vin, ainsi nommées à cause de leur couleur rouge, sont en fait des angiomes, et les taches de café, attribuées à tort à une envie de café, sont des sortes de grains de beauté (naevus).

    Connaître nos maux nous a permis de les employer dans un sens figuré. Faire une jaunisse, par exemple, c’est se rendre malade, parce qu’on pensait qu’une forte contrariété ou une grosse peur pouvaient causer une jaunisse. Crever l’abcès, c’est prendre une décision douloureuse sur le moment, mais nécessaire, puisqu’on ne guérit un abcès qu’en l’incisant pour en faire sortir le pus. Ne pas se fouler, enfin, c’est ne pas prendre le risque de se faire une foulure, et par conséquent ne pas trop se fatiguer.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :