• "Les Lettres de mon moulin" de Daudet

    "Les Lettres de mon moulin" de Daudet

    Écrites comme des contes, ces lettres mettent en scène des personnages que l’on croit sortis de légendes faisant partie de notre mémoire depuis toujours.

     

     

    Les mystères du succès

    Les Lettres de mon moulin (1866) sont une des œuvres les plus connues de Daudet. Et pourtant, lorsqu’elles furent publiées dans l’Événement sous forme de feuilleton, entre 1866 et 1869, elles n’obtinrent qu’un succès mitigé ; le public parisien ne comprenait l’exotisme de cette Provence si lointaine. En fait, ce furent les grands romans, quelque peu oubliés aujourd’hui, tels que Jack (1876) et Le Nabab (1878), qui consacrèrent Daudet ; et leur succès rejaillit sur les œuvres antérieures. Avec Les Lettres de mon moulin, Alphonse Daudet affiche des qualités exceptionnelles de conteur : d’ailleurs, on ne peut s’empêcher d’imaginer ces textes lus à haute voix, et on ne peut s’empêcher non plus de les imaginer avec l’accent du Midi si on a eu l’occasion d’entendre un quelconque Tartarin les « chanter ». L’auteur est censé écrire ses lettres depuis un moulin, afin de mieux donner corps à ses rêveries, dans un cadre provençal typique. Car les paysages de la Provence sont omniprésents, servant de mise en scène à des histoires à la fois drôles et fantastiques qui se racontent comme des paraboles.

     

    De la chèvre à l’élixir

    Les plus connues des Lettres de mon moulin sont, sans nul doute, La Chèvre de monsieur Seguin, Le secret de maître Cornille, La Mule du pape, Le curé de Cucugnan, L’Elixir du révérend père Gaucher et Le Sous-Préfet aux champs. Chaque récit décrit un aspect du caractère provençal et comporte une morale. Ainsi, les malheurs de la chèvre de M. Seguin, dévorée par le loup, illustrent les dangers de la liberté ; et les agissements de maître Cornille, le meunier qui fait semblant de moudre du grain, sont ceux d’un homme fier, qui a droit à la considération. Quant au révérend père Gaucher, il redonne prospérité au couvent avec son élixir, mais il sombre joyeusement dans l’alcoolisme ; et comme la communauté ne peut se passer ni de l’un ni de l’autre, on récite une oraison pendant que l’alcool se fabrique : « C’est l’absolution pendant le péché ».

     

    « Vers la fin de l’année, il avait cessé d’écrire au Figaro et faisait paraître chez Hetzel un recueil de Lettres de mon moulin, un an exactement Le Petit chose. Le nouveau volume, tiré à 2000 exemplaires, se vendit assez péniblement. Daudet se consolait facilement du médiocre succès de ses livres. La carrière qu’il entendait poursuivre, c’était celle d’auteur dramatique… » (Georges Benoît-Guyod, Alphonse Daudet, 1947)

    « L’œuvre de Daudet, en révélant l’âme méridionale aux Parisiens, aurait-elle pour but de prévenir cette méprise et cette incompréhension ? Il ne le dit pas explicitement, mais les Lettres de Paris et du village, les Lettres de mon moulin, les Lettres à un absent sont comme les notes d’un correspondant de presse qui tantôt s’adresse de Provence au Parisiens pour leur peindre la vie provençale avec ses grandeurs et ses petitesses, tantôt écrit de Paris à ses compatriotes provençaux que l’éloignement de la capitale risque d’amener à porter des jugements faux sur les événements de Paris. » (Y.-E Clogenson, Alphonse Daudet, peintre de la vie de son temps, 1946)

    « A part ces Lettres brillantes, appréciées dans un milieu restreint de lettrés et de connaisseurs – mais c’était pour lui le succès – il ne publie rien encore cette année-là (1865) » (Lucien Daudet, Vie d’Alphonse Daudet, 1941).


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