• Les parties du corps et leurs valeurs

     

    Pourquoi les Gaulois coupaient-ils la tête de leurs ennemis pour en faire un collier à leurs chevaux ? Que représentent, dans certains tableaux, ces crânes au milieu de deux tibias ? Comment se fait-il que, dans la mythologie, Prométhée se fasse justement dévorer le foie par un aigle pour l’éternité après avoir volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes ? Notre corps est souvent mis à mal. Mais quelles valeurs attribue-t-on à ses différentes parties ?

                   

                  1 – De quoi faire une drôle de tête !

     

    Certaines parties du corps sont plus prisées que d’autres, et la tête au premier chef, c’est le cas de le dire. C’est elle que prélèvent les combattants sur leurs ennemis pour s’emparer de leur vigueur et de leurs qualités guerrières. Les Gaulois, par exemple, en ont fait un trophée, mais ils ne sont pas les seuls à reconnaître les valeurs de cette partie de notre anatomie. Les alchimistes aussi se servaient de crânes humains, qu’ils considéraient comme les réceptacles de la vie. Il faut dire que, placé au sommet du corps, il passe aisément pour être le siège de l’esprit, de l’autorité et par conséquent de la force vitale. Certaines expressions en témoignent : tenir tête à quelqu’un (lui résister) et perdre la tête (perdre la raison).

    Le crâne, avec sa forme de coupole, va dès lors en être la métaphore : il contient et représente l’esprit. C’est ainsi qu’il devient un symbole dans cette fameuse croix de Saint-André où il apparaît au centre de deux tibias croisés en X, symbolisant l’écartèlement de la nature et la domination de l’esprit. Tel est aussi le sens de ces crânes qui envahissent les tableaux qu’on appelle vanités, conçus pour nous rappeler que tout sur cette terre est vanité et que seule compte la vie spirituelle.

    Les Indiens d’Amérique n’arrachaient que les scalps, autrement dit la peau du crâne et la chevelure. Car les cheveux représentent certains pouvoirs et certaines vertus. C’est de là que vient le culte des reliques, de ces mèches que l’on conserve des saints ou des grands hommes. Le cheveu devient sacré. Il l’est aussi quand on se met à échanger quelques boucles dans un cadre amoureux. N’oublions pas enfin ce qui est arrivé à Samson dans la Bible : la force légendaire de ce personnage résidait dans sa chevelure. Or la belle Dalila s’introduisit sans difficulté dans son lit et lui coupa les cheveux, le mettant ainsi à sa merci. Les rois et les princes ont d’ailleurs longtemps porté les cheveux longs. Se couper les cheveux fut associé à une forme de renoncement. C’est le cas des moniales qui prononcent leurs vœux et sacrifient leur chevelure pour l’occasion. Aujourd’hui encore, les sikhs ne se coupent jamais les cheveux parce qu’à leur mort, pensent-ils, la divinité les saisit par les cheveux pour les faire monter au ciel.

     

                    2 – Regardons à l’intérieur

     

    Les prêtres et les devins de l’Antiquité, qui consultaient les oracles pour connaître le destin des hommes, ont longtemps lu dans les entrailles des animaux. Mais on peut lire aussi dans nos organes : foie, cœur, rate, la plupart de nos viscères ont quelque chose à nous dire.

    C’est dans le cœur qu’on localise les sentiments en Occident, mais pour tous il est le centre de la vie, et souvent de la volonté et de l’intelligence. C’était aussi le seul viscère que les Égyptiens laissaient en place dans la momie.

    Le mot courage est d’ailleurs dérivé de cœur ; il rappelle le sens métaphorique qu’avait le mot cuer en ancien français, symbolisant la vertu guerrière et la force d’âme. Un homme de cœur, c’est initialement un homme doué d’une grande force morale.

    Ce sens se retrouve dans L’Auvergnat, la chanson de Georges Brassens, où un feu de bois pouvait lui chauffer le cœur, lui redonner du courage. Haut les cœurs donc ! Car cet organe semble concentrer en lui la force du corps tout entier. On peut ainsi se donner du cœur au ventre. Et ce n’est pas une grossière erreur d’appréciation, puisqu’au Moyen-âge ce qu’on appelait le ventre allait du cou à l’abdomen !

    Le cœur n’a été considéré comme le siège des émotions qu’assez tardivement, vers le XIVème siècle, quand les héroïques chansons de geste ont cédé le pas aux romans et que l’amour courtois a fait son apparition. On a pu dès lors porter son amoureux dans son cœur et avoir le cœur gros ou le cœur serré au premier chagrin d’amour. Le langage se nourrit parfois d’observations physiologiques qui viennent renforcer les symboles.

    C’est aussi ce qu’on peut observer à propos du foie, seul organe à avoir la capacité de se régénérer en partie et donc de repousser… Les Grecs en ont fait le siège du remords infini. En témoigne le mythe de Prométhée, condamné à avoir le foie dévoré pour l’éternité par un aigle, l’oiseau de Jupiter, qui lui rappelle ainsi ce qu’il en coûte de voler les dieux.

    On a trouvé aussi au foie tous les défauts dès lors qu’il devenait blanc ; ce symbole de lâcheté chez les Grecs est passé dans notre langue : en argot, un foie blanc est un traître. On peut aussi avoir les foies, autrement dit être un grand poltron. On disait à l’origine qu’on avait les foies blancs, puis on a résumé. Le blanc n’est donc pas toujours bon signe, du moins en ce qui concerne notre anatomie. Avoir du sang de navet, c’est-à-dire du sang très clair, c’est aussi être un lâche !

    Le sang a la réputation d’être un vecteur d’énergie, de force et, plus généralement, de vie. Un temps, on a pensé qu’il était produit par le foie, et la confusion s’est maintenue dans notre langue. Se faire du mauvais sang ou un sang d’encre, c’est en effet se faire de la bile, ce qui reprend la très ancienne théorie des humeurs. Les Anciens en distinguaient quatre :

    • Le sang, la lymphe, la bile et l’atrabile ou bile noire ; elles servaient à expliquer les différents tempéraments : sanguin, lymphatique, bileux ou atrabilaire, c’est-à-dire mélancolique.
    • La bile jaune rendait irritable et pouvait alors causer un coup de sang.
    • La bile noire rendait soucieux. Pensant que la première était produite par le foie et la seconde par la rate, ils tentèrent de dilater celle-ci pour retrouver un peu de joie de vivre.
    • Avoir la rate qui se dilate, c’est ce qu’on dit quand on rit aux éclats ! Mais on rit moins quand on attribua à cet organe les points de côté qui ralentissaient les coureurs… On essaya alors de la dégonfler par différents remèdes et, sur les chiens que l’on voulait faire courir plus vite, on pratiqua une singulière opération : on leur ôta la rate ! Peu y survécurent, ce qui mit un terme à l’expérience. Mais on garda l’expression courir comme un dératé!

    Quant au sang, il est progressivement devenu le symbole de la lignée, de la parenté, ce qu’on retrouve dans l’expression « Bon sang ne saurait mentir » et, plus récemment, dans le fameux sang bleu, censé garantir une noble origine. Est-ce parce que sur une peau très claire on voit mieux se dessiner les veines bleues ?

    Reste le sexe, qui mériterait un chapitre à lui seul, tant il est chargé de symboles !

     

                    3 – Cela nous fait-il les pieds ?

     

    Nos pieds n’ont pas la cote : ils ont le défaut d’être ancrés dans le sol, de se trouver en contact avec la matière et non avec la vie et l’esprit. C’est pourquoi on dira d’un idiot qu’il est bête comme ses pieds et qu’il s’y prend comme un pied ! D’autres parties de notre corps ont meilleure réputation. Les yeux, par exemple, sont le symbole de la clairvoyance et sont considérés comme le miroir de l’âme : ne croit-on pas pouvoir lire dans les yeux ce que chacun a de plus profond ? Au besoin on y adjoindra le nez, symbole du flair, si on a le nez fin ou le nez creux. Quant à notre bouche, elle est à la fois le siège du goût et celui de la parole, ce qui permet aux uns d’avoir des paroles de miel et à d’autres d’avoir la dent dure.


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