• Vers la révolution industrielle par le progrès technique

    Vers la révolution industrielle par le progrès technique

     

    La période 1870-1914 a été marquée dans le domaine technique par d’importantes transformations : utilisation progressive de nouvelles forces motrices et développement intense du machinisme, renouvellement et perfectionnement des techniques grâce aux applications pratiques de la science, extension et rapidité croissante des moyens de transport.

     

     

    I – De nouvelles forces motrices

     

    Un des traits fondamentaux de la civilisation contemporaine est l’abondance croissante des forces motrices mises par la science à la disposition du travail humain. Au milieu du 19ème siècle, la machine à vapeur, alors seule machine génératrice de force motrice, utilisant le charbon comme source d’énergie, ne fournissait encore que 6 % de l’énergie industrielle – le reste était demandé aux forces humaines et animales. Après 1850, l’emploi des machines à vapeur a augmenté progressivement, au point de révolutionner les moyens de production et de transport. Mais surtout, dans le dernier quart du 19ème siècle, 3 inventions capitales, celles de la dynamo électrique, du moteur à explosion, du moteur Diesel, ont permis l’utilisation progressive de sources nouvelles d’énergie – houille blanche et pétrole.

    En 1869, on l’a vu, fut inventée la machine dynamo-électrique. La machine de Gramme, perfectionnée et mise au point à partir des éléments fournis par l’ingénieur allemand Siemens, se révéla réversible, c’est-à-dire non seulement capable de transformer l’énergie mécanique en énergie électrique – c’est alors une génératrice de courant – mais inversement de travailler comme un moteur consommant de l’électricité. A la même époque, le Français Bergès montra tout le parti qu’on pouvait tirer de la houille blanche ou force des chutes d’eau : il capta l’énergie d’une chute d’eau des Alpes et la transforma en énergie électrique. En 1882, le Français Deprez démontra l’intérêt des hautes tensions pour le transport du courant électrique à distance. En 1884, le Français Gaulard rendit possible ce transport en inventant le transformateur de tension. On commença dès lors à utiliser l’électricité, produite dans des centrales hydro-électriques à partir de la houille blanche, pour alimenter au loin les usines en force motrice. Mais la plus grosse part de l’électricité fut produite à partir des combustibles, dans des centrales thermoélectriques où les dynamos sont actionnées par des turbines à vapeur ou par des moteurs à huiles lourdes.

    L’invention du moteur à explosion a permis d’utiliser d’autres forces encore, nées du pouvoir d’expansion des gaz en combustion. L’idée était fort ancienne, mais elle n’entra dans la pratique que vers 1860, avec le moteur à gaz du Français Lenoir ; son avenir fut assuré par l’invention, due au Français Beau de Rochas (1862), du cycle à quatre temps qui comprime les gaz avant leur explosion et augmente de ce fait la puissance du moteur. Le premier moteur pratique à quatre temps fut construit en 1876 par l’Allemand Otto : c’était encore un moteur à gaz. Puis on eut l’idée de substituer au gaz des hydrocarbures s’enflammant facilement, le pétrole et l’essence de pétrole. Le moteur à essence, à la fois puissant et léger, mis au point en 1888 par le Français Forest – avec bougie d’allumage, magnéto, carburateur et gicleur – devint le moteur par excellence de l’automobile et de l’avion.

    En poussant plus avant l’étude de la combustion interne, l’Allemand Diesel établit que la combustion lente des huiles lourdes donnait un meilleur rendement que l’explosion de l’essence. En 1895, il inventa le moteur Diesel qui permit d’utiliser comme combustible les huiles lourdes extraites du goudron de houille ou provenant de la distillation du pétrole. Le moteur Diesel devait concurrencer le moteur à explosion ; il fut d’abord le moteur par excellence des sous-marins.

    Charbon, houille blanche et pétrole sont devenus les trois principales sources d’énergie, les trois aliments essentiels des machines motrices qui actionnent des milliers d’autres machines.

     

    II – Essor de la grande industrie ; techniques nouvelles

     

    Le travail des machines s’est substitué au travail manuel, plus ou moins vite, plus ou moins complètement, selon les industries et selon les pays. On a construit une infinité de machines, capables soit d’effectuer avec plus de rapidité et de précision le travail de l’ouvrier, soit d’effectuer des travaux qui dépassaient les forces humaines ou animales. Les progrès du machinisme ont eu pour conséquence le triomphe de la grande industrie, avec ses énormes usines groupant des milliers d’ouvriers sous la direction d’ingénieurs et de contremaîtres. Le travail en série permit d’augmenter encore la production.

    Le groupe des industries chimiques a pris un essor prodigieux. Aux progrès de la chimie synthétique correspondent de nombreuses fabrications nouvelles : celles de l’ammoniaque, d’engrais chimiques, de produits pharmaceutiques, de parfums, de colorants, de la rayonne ou « soie artificielle », de matières plastiques dont la première en date a été le celluloïd… La voie était désormais ouverte à la fabrication d’une gamme infinie de produits nouveaux, les produits synthétiques, y compris ceux qui marquèrent un progrès dans les moyens de destruction comme la dynamite inventée par le suédois Nobel.

    La chimie a transformé aussi les techniques de la métallurgie. Vers 1860, l’Anglais Bessemer avait trouvé le moyen de convertir la fonte en acier, mais son procédé ne valait pas pour les minerais phosphoreux qui sont les plus abondants. Vers 1880, deux autres Anglais, Thomas et Gilchrist, réussirent à éliminer le phosphore par l’emploi de chaux et de magnésie dans le convertisseur ; c’est de cette époque que date le prodigieux développement de la métallurgie du fer. En 1854, Sainte-Claire Deville avait réussi, par voie chimique, à isoler l’aluminium de ses composés naturels ; mais l’aluminium obtenu par son procédé restait un métal précieux, presque aussi cher que l’or. En 1886, le Français Héroult et l’Américain Hall découvrirent le procédé par électrolyse ignée, qui donna son essor à la fabrication à bon marché de l’aluminium, à partir de la bauxite ; l’aluminium, devenu métal courant, devait conquérir le 2ème rang, après le fer, parmi les métaux utilisés dans l’industrie. L’emploi du four électrique, inventé par le Français Moissan en 1892, a donné naissance à 2 nouvelles industries : l’électrochimie – qui combien l’action calorifique du courant électrique avec l’action chimique – et l’électrométallurgie. Les nouveaux procédés chimiques ont permis d’obtenir, par alliages, des aciers spéciaux – au chrome, au tungstène – qui répondent aux exigences les plus diverses de l’industrie.

    Il n’est pas une industrie qui n’ait été plus ou moins transformée par la chimie. On peut ajouter que toutes les industries – industries textiles, de la pâte à papier et de l’imprimerie, des armements… - ont été plus ou moins révolutionnées par les diverses applications pratiques de la science ou les perfectionnements incessants de l’outillage mécanique. Il s’est créé des industries nouvelles – industries photographiques, électriques… - qui ont pris rapidement une grande extension.

    Le développement industriel est un des faits caractéristiques de l’époque contemporaine, dominée par des considérations d’ordre pratique et matériel. Il a transformé l’aspect de vastes régions de la surface terrestre.

     

    III – Les nouvelles techniques agricoles

     

    Les techniques agricoles ont été révolutionnées elles aussi par les progrès du machinisme et par les applications de la chimie. Cependant, en raison de la méfiance du paysan à l’égard des nouveautés, l’agriculture s’est transformée plus lentement que l’industrie, sauf dans les pays neufs comme les États-Unis, le Canada, et dans quelques pays européens, comme l’Allemagne et le Danemark, où l’enseignement technique agricole a été le mieux organisé.

    Le développement du machinisme agricole a été favorisé par la rareté de la main d’œuvre, absorbée par les centres industriels. L’usage des machines à battre s’est répandu ; des machines nouvelles ont été inventées et sans cesse perfectionnées : semoirs et faucheuses mécaniques, moissonneuses-javeleuses, moissonneuses-lieuses… L’agriculture bénéficia aussi des progrès de la motorisation : la traction mécanique tendit, principalement aux États-Unis, à remplacer de plus en plus la traction animale. L’emploi progressivement généralisé des engrais chimiques – phosphatés, potassiques, azotés – a accru considérablement la fertilité et le rendement des terres cultivées.

     

    IV – La révolution des transports

     

    La transformation des moyens de transport, leurs réseaux de plus en plus denses, la circulation de plus en plus rapide à la surface de la terre et des mers, plus tard dans les airs, cette sorte de « rétrécissement » du globe terrestre qui en est résulté, comptent parmi les faits qui ont le plus contribué à modifier la physionomie du monde.

     

    • Développement des chemins de fer

    L’extension des réseaux ferrés, rendue possible par la développement de l’industrie métallurgique, a été l’œuvre de la seconde moitié du 19ème siècle. Le réseau mondial ne dépassait pas 38 000 km en 1850, dont 23 000 pour l’Europe ; en 1870, il atteignait 200 000 km, partagés à peu près également entre l’Europe et les États-Unis – le premier transcontinental américain, le Central Pacific, fut inauguré en 1869. En 1912, l’ensemble des réseaux comptait plus d’un million de km de voies ferrées, dont 400 000 pour les seuls États-Unis, et déjà près de 100 000 pour l’Asie – le Transsibérien fut achevé en 1901. Tous les continents, l’Afrique exceptée, étaient désormais traversés par des trains.

    Dans le même temps, les ingénieurs ont vaincu les obstacles naturels par des travaux d’art de plus en plus grandioses et hardis : viaducs et ponts métalliques enjambant les vallées profondes et les bras de mer, tunnels perçant les montagnes – le tunnel alpin du Simplon (1905), qui dépasse 19 km, est le plus long de tous. Le rendement des locomotives augmentant de pair avec leur puissance et leur vitesse, le trafic ferroviaire s’est intensifié, si bien que la route fut progressivement désertée pour le rail.

     

    • Développement de la navigation maritime

    Les réseaux continentaux de voies ferrées ont été prolongés, à travers toutes les mers, par des lignes de navigation, desservies à dates fixes par les services réguliers de grandes compagnies – telles en France la Compagnie générale transatlantique, les Messageries maritimes. On a construit (en acier à partir de 1877) des navires aux dimensions accrues, propulsés par des machines motrices de plus en plus puissantes, paquebots confortables et luxueux pour le transport des passagers, cargos pour le transport des marchandises. Par des travaux gigantesques, on a percé des isthmes : le canal de Suez (1869), œuvre du Français de Lesseps, permit de passer directement de la Méditerranée dans la mer Rouge et l’Océan Indien ; le canal de Panama (1914) relia directement l’Atlantique et le Pacifique. Il en résulta de nouveaux itinéraires, un raccourcissement de certains grands parcours. Un courant de circulation continu et rapide se trouva assuré à la surface du globe.

    D’autre part on a résolu pratiquement, vers 1885-1890, le problème de la navigation sous-marine ; mais les sous-marins ne devaient être utilisés que comme instruments de guerre et de destruction.

     

    • L’automobile et l’avion

    Jusqu’à la fin du 19ème siècle, les chemins de fer et les navires à vapeur ont été les seuls modes de transport rapide. Le progrès continu des sciences, de la mécanique et de la technique industrielle a eu pour conséquence l’invention de nouveaux moyens de transport.

    Sur terre, la circulation routière, diminuée au profit des chemins de fer, devait être progressivement ranimée par l’emploi de la bicyclette – très répandue à partir de 1890 –, de la motocyclette et surtout de l’automobile. Les premières voitures automobiles furent des voitures à vapeur ou à accumulateurs électriques. Ce fut l’emploi du moteur à explosion, l’invention de la « chambre à air » par l’Écossais Dunlop (1888), du pneu par les frères Michelin (1895), qui assurèrent le succès de l’automobilisme, mais ce succès n’a été décisif qu’après la guerre de 1914-1918.

    Au temps des débuts de l’automobile, la technique des transports a inscrit à son actif deux nouvelles inventions : le dirigeable et l’avion. La navigation aérienne par ballons – plus légers que l’air –, rendus dirigeables par l’adjonction d’un moteur, a été la première à donner des résultats pratiques ; c’est au-dessus de Paris qu’on vit évoluer en 1885 le premier dirigeable, celui des capitaines Renard et Krebs. Mais c’est l’aviation – c’est-à-dire le « vol à la manière des oiseaux », au moyen d’appareils plus lourds que l’air – qui devait assurer l’étonnante conquête de l’air. Un Américain, Wilbur Wright, fut le premier aviateur qui ait réussi, dès 1904, à effectuer des vols de plusieurs kilomètres. A partir de 1908, l’aviation fit des progrès rapides, dont les étapes ont été marquées par de passionnants exploits : traversée de la Manche par Blériot (1909), franchissement des Alpes par Chavez (1910), traversée de la Méditerranée par Roland Garros (1912). La guerre de 1914-1918 devait développer surtout l’aviation militaire ; l’aviation civile ne prendra son essor qu’après cette guerre : c’est alors que seront créés des réseaux de plus en plus denses de lignes aériennes, jalonnées d’aéroports, qui assureront les liaisons intérieures et internationales.


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