• La fluoration de l'uranium naturel

     

    Également appelée conversion, la fluoration permet la purification des concentrés uranifères et leur transformation sous la forme d’hexafluorure d’uranium (UF6) autorisant son enrichissement avec les techniques actuelles. Le caractère obligatoire de cette étape et la configuration du marché en font un enjeu stratégique important, comparé aux aspects commerciaux et financiers, relativement mineurs.

     

    I – Les procédés de fluoration

     

    2 procédés de fluoration sont utilisés par les convertisseurs mondiaux :

    • le procédé par voie sèche
    • le procédé par voie humide

    Le procédé par voie sèche n’étant plus utilisé que par le convertisseur américain Allied Signal, il ne sera pas développé ici. Il faut cependant noter qu’à la différence de la voie humide, l’étape de purification s’effectue en fin de cycle par distillation de l’UF6.

    Le procédé de fluoration par voie humide est composé de 4 étapes.

    La première étape, la purification de l’U3O8, est réalisée en début de cycle par extraction sélective du minerai d’uranium par solvant. Les concentrés uranifères sont tout d’abord dissous à chaud dans un bain d’acide nitrique. Après élimination des insolubles par filtration, on récupère un composé liquide, le nitrate d’uranyle (UNH) dont la composition exacte est UO2(NO3)2, qui contient 400 g, environ, d’uranium métal par litre. La purification proprement dite du nitrate d’uranyle s’effectue par échange liquide-liquide dans des colonnes pulsées en utilisant, comme solvant organique, une solution de tributyle phosphate (TBP) dans un hydrocarbure aliphatique (dodécane). L’uranium est extrait sous forme de complexe avec le tributyle phosphate dans la phase organique. Il est ensuite réextrait par un contre-courant d’eau et récupéré sous forme de solution de nitrate d’uranyle pur contenant 130 g d’uranium par litre. Cette solution est évaporée sous vide jusqu’à une concentration voisine de 370 g par litre.

    L’étape suivante, la dénitration, consiste à neutraliser à chaud le nitrate d’uranyle par de l’ammoniac dans un réacteur afin d’obtenir du diuranate d’ammonium (DUA) dont la formule complète est U2O7(NH4)2.

    Après filtration, séchage et calcination, on récupère l’uranium sous forme d’UO3. On procède ensuite à la réduction en UO2 puis à l’hydrofluoration en UF4. L’UO3 est réduit en UO2 par de l’ammoniac gazeux à haute température dans un réacteur fluidifié grâce à un agent réducteur, l’hydrogène, obtenu par craquage de NH3. L’hydrofluoration de l’uranium s’effectue par addition d’acide fluorhydrique (HF) dans un réacteur à lit fluidisé, appelé lit coulant chez Comurhex. Le produit ainsi obtenu, l’UF4 peut être stocké en cylindre puis transporté vers l’unité chargée de son ultime transformation : la conversion en UF6.

    La synthèse de l’UF6 se fait exclusivement par addition de fluor (F2) à l’UF4  dans un réacteur à flamme dont la température avoisine les 1500°C. Pour sa part, le fluor est obtenu par électrolyse d’un bain de sels fondus à 90°C environ. L’UF6 obtenu est ensuite refroidi une première fois dans des cristallisoirs à une température de -15°C. Après filtration, l’UF6 est à nouveau refroidi dans des cristallisoirs à -24°C.

    L’UF6 liquide est stocké dans des conteneurs intermédiaires avant d’être coulé dans des cylindres de transport, appelés 48 Y, où il prend une forme cristallisée à température ambiante.

     

    II – Caractéristiques, stockage et transport de l’UF6

     

    Les spécifications requises à l’entrée des usines d’enrichissement sont très contraignantes. Elles concernent aussi bien les caractéristiques physiques que chimiques de l’UF6. L’UF6 est un solide cristallisé incolore à température ambiante qui se sublime, sans fondre, à 56°C à la pression atmosphérique.

    C’est sous cette forme gazeuse que l’UF6 est utilisé dans les usines d’enrichissement, en restant à des températures voisines de  100°C. Il a la propriété de réagir lentement avec l’eau, avec l’humidité de l’air pour redonner de l’acide fluorhydrique.

    L’UF4, produit solide de couleur verte, est stocké en silos de grande capacité (500 tonnes). L’UF6 est stocké dans des réservoirs appelés jaugeurs avant d’être coulé dans des conteneurs spéciaux dits 48 Y contenant 12,5 tonnes d’UF6 (8,5 tonnes d’uranium).

    L’UF6 se cristallise dans ces conteneurs où il peut être stocké pendant plusieurs années et qui sont agréés internationalement pour son transport par route ou par bateau.

    Les conteneurs 48 Y sont soumis aux réglementations relatives aux appareils sous pression. La vidange des 48 Y est effectuée sous forme gazeuse en introduisant le conteneur dans une étuve.

     

    III – Fluoration de l’uranium de retraitement

     

    L’uranium issu du retraitement des assemblages UO2 irradiés dans les réacteurs, appelé uranium de retraitement (URT), peut être utilisé dans ces mêmes réacteurs à eau légère.

    Son recyclage débute avec l’étape de conversion. L’URT obtenu à l’issue du retraitement à La Hague se trouve sous forme liquide, le nitrate d’uranyle. Par contre, l’URT issu de l’usine du retraiteur britannique BNFL est récupéré sous forme d’oxyde UO3.

    La forme chimique du nitrate d’uranyle liquide n’étant pas stable, l’URT doit être transformé rapidement, soit en oxyde (U3O8) pour être stocké en attente de fluoration, soit en UF6  en cas de recyclage immédiat.

    Le processus de fluoration débute avec l’étape de purification puis l’URT suit les mêmes étapes décrites pour la fluoration de l’uranium naturel par le procédé par voie humide.

    Compte-tenu des propriétés radioactives de l’URT dues à la présence d’U232 et d’U234, son recyclage, et notamment l’étape de fluoration, nécessite des installations spéciales équipées de protections radiologiques. La fluoration de l’uranium de retraitement permet d’éliminer des corps radioactifs (éléments transuraniens, produits de fission, descendants de l’U232) lors de la fluoration de l’UF4 en UF6. Cependant, certains corps radioactifs réapparaissent avec le temps, notamment des descendants de l’U232. L’uranium de retraitement fluoré est ensuite enrichi par procédé d’ultracentifugation, à un taux légèrement supérieur à celui appliqué à l’UF6 issu d’uranium naturel, afin de compenser l’effet neutrophage des résidus d’U234 et U236.

     

    IV – Le marché de la fluoration

     

    Aujourd’hui 4 convertisseurs se partagent le marché mondial :

    • Comurhex (France), d’une capacité de 14 000 tU/UF6/an
    • Converdyn (USA), d’une capacité de 12 500 tU/UF6/an
    • Cameco (Canada), d’une capacité de 12 500 tU/UF6/an, à laquelle s’ajoute à partir de 2006 une capacité de 5000 tU/UF6 correspondant à la reprise d’une usine de BNFL (Grande-Bretagne), après la décision de cette dernière de mettre fin à ses activités.
    • Tenex (Russie), d’une capacité de 14 000 tU/UF6/an (les statistiques varient entre 10 000 et 20 000 tU/UF6 selon les sources).

    La capacité théorique annuelle est de 58 000 tU/UF6/an ; de plus la composante fluoration de l’uranium dilué (LEU) issu de l’uranium hautement enrichi (HEU) d’origine militaire est de  9 100 tU/UF6/an. Le marché mondial apparaît relativement équilibré entre l’offre et la demande, estimée à environ 65 000 tU/UF6/an.


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