• "Correspondance ou préface à la vie d'un écrivain", de Flaubert

    "Correspondance ou préface à la vie d'un écrivain", de Flaubert

    Les confidences de Flaubert à ses proches au sujet de ses œuvres, de ses préoccupations, de la littérature.

     

    L’isolement à Croisset

    Les lettres constituant cette correspondance furent quasiment toutes écrites par Flaubert depuis la maison familiale de Croisset. Lorsque son père acquit celle-ci en 1844, le romancier n’avait que 23 ans ; et c’est dans l’isolement de cette campagne normande qu’il décida de se retirer pour composer. Il parle à ses amis des œuvres qu’il a en projet, et d’abord, parmi les principales : La Tentation de Saint-Antoine, dont la première version l’occupe de 1848 à 1849. Puis Madame Bovary, de 1851 à 1856, et la deuxième version de La Tentation de Saint-Antoine. Jusqu’en 1862, Flaubert rédige Salammbô : il lit des dizaines d’ouvrages techniques afin de fonder sa description de l’antique Carthage et se rend même sur les lieux pour en mieux pouvoir restituer l’atmosphère. De 1864 à 1869, s’accomplit la rédaction de L’Éducation Sentimentale dont c’est la seconde version ; et, en 1872, Flaubert achève, dans une troisième et ultime version, La Tentation de Saint-Antoine. Il consacre alors une période de huit années à la rédaction de Bouvard et Pécuchet, l’œuvre pour laquelle fut poussée le plus loin la minutie dans la préparation et le scrupule dans la recherche des références techniques. Flaubert succombe le 8 mai 1880 à une attaque, laissant inachevé ce dernier roman.

     

    Écrire est une vocation

    La Correspondance de Flaubert s’adresse exclusivement à ses proches, telle sa maîtresse Louise Colet, ou à des auteurs reconnus, comme George Sand, Maupassant, etc. C’est donc un témoignage exemplaire de la discipline que doit s’imposer l’écrivain véritable. Souvent émouvantes, ces pages nous révèlent le douloureux travail de création de l’œuvre : l’intransigeance de l’artiste qui, pour demeurer vrai, doit refuser tout compromis avec le goût du jour, quitte à perdre tout espoir de richesse et de gloire. Flaubert lui-même est la première victime de sa rigueur, travaillant une semaine sur une seule page, tant que son style ne le satisfait pas totalement. Une telle ténacité dans la quête de la perfection littéraire est un exemple éblouissant de grandeur morale et de dépassement de soi.

    « C’est l’angoisse de la forme qui a de l’importance chez Flaubert et non pas la signification qu’ici et là il lui prête. » (Maurice Blanchot, cité dans Flaubert de Debray et Genette, collection Miroir de la critique)

    « Flaubert a consenti à payer son art du prix le plus élevé : celui du labeur maniaque, du travail enragé, du doute torturant et presque du refus de la vie. C’est que pour lui rien ne pouvait prendre le pas sur son exigence de parvenir à cette forme de rencontre des choses et des être que Geneviève Bollème définit comme «  une vision transfigurante du monde, la découverte d’un réel émerveillant, et la nécessité de le dire inlassablement ». Cette passion inutile, gratuite, absurde qu’il maudissait vingt fois par jour, c’est la littérature ! Il le savait mieux que personne. Et sa lettre à Louise Colet du 13 avril 1853 en dit plus long que bien des démonstrations critiques : « La littérature (comme nous l’entendons) serait alors une occupation d’idiot. Autant caresser une bûche et couver des cailloux. Car lorsqu’on travaille dans nos idées, dans les miennes du moins, on n’a pour se soutenir rien, oui, rien, c’est-à-dire aucun espoir de célébrité, ni même d’immortalité (quoiqu’il faille y croire pour y atteindre, je le sais). Mais ces lueurs-là vous rendent trop sombre ensuite, et je m’en abstiens. Non, ce qui me soutient, c’est la conviction que je suis dans le vrai… » » (Raymond Jean, Le Monde, 8 août 1964)


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